Situation de la minorité chrétienne en Indonésie


Témoignage de Amélia Llinas
donné lors de la célébration oecuménique du 25 janvier 2019

I. MON ENFANCE JUSQU’EN 1998.

Ma famille est arrivée à Jakarta en 1971, alors que la majorité de nos voisins étaient originaires de Jakarta et de confession musulmane, avec seulement quelques familles Chrétiennes et Hindous.

Quand j’étais petite, nous avons vécu en harmonie avec les autres religions dans le respect des autres cultes.
Chez nous, on faisait l’école du dimanche avec les enfants des autres quartiers; nous accueillions aussi la répétition de la chorale et cela ne dérangeait pas nos voisins musulmans.

A l’approche des fêtes de noël, nos voisins venaient donner un coup de main pour la préparation des gâteaux et de la cuisine. Tout le monde était invité à la maison pour la fête de Noël et il était de tradition de se distribuer des gâteaux dans la bonne humeur.
A l’inverse, pour le ramadan, c’est nous qui étions invités chez nos voisins.

Cette joyeuse vie a duré assez longtemps, jusqu’au début des année 1990, malgré le contexte politique du régime du dictateur Soeharto.  
L’Indonésie avait alors la réputation d’être un pays musulman pratiquant un islam modéré et tolérant.

Mais une par une, les mosquées ont été imprégnées des discours radicalisés de fanatiques étrangers, souvent venus du Pakistan, qui encourageaient la haine à l’égard des Chrétiens. Ces musulmans nous appelaient les « kafirs », c’est-à-dire les infidèles.
Petit à petit notre vie harmonieuse a changé. Les salutations « Joyeux Noël », « Joyeuses Pâques » sont devenues « haram », c’est-à-dire interdit. Les outrages à Jésus-Christ sont devenus de plus en plus violents. Le label « halal » était partout y compris sur les vêtements. 
Comme nous étions une minorité, nous avons cédé mais en gardant l’espoir de vivre en paix avec eux.

A Jakarta en mai 1998, quand le peuple a fait tomber le régime du dictateur, il y a eu un immense chaos. 
Les musulmans radicaux en ont profité pour torturer, violer et tuer des non-musulmans, surtout des Chrétiens et des Chinois; ils ont endommagé quelques églises, torturé des pasteurs et pillé leurs maisons et leurs magasins.
Pendant ce chaos, la maison de mes parents a échappé à la destruction bien qu’il y ait une croix inscrite dessus. Grâce à Notre Seigneur, nos voisins nous ont protégés. Ils ont témoigné que nous étions une famille Chrétienne très tolérante.
Heureusement tous les musulmans n’étaient pas devenus des fanatiques.

II. DANS LES ANNÉES 2000.

Dans les années 2000, après plusieurs changements de régime, un grand mouvement a milité pour la démocratie. Mais les activités des musulmans radicaux ont été favorisées, comme les discours des imams et des professeurs de religion qui incitent au « jihad ».

Pendant cette période, il fut très difficile de construire des églises, au contraire des mosquées et des minarets.
Aujourd’hui, autour de chez mes parents, se trouvent 3 minarets et une grande mosquée dans un rayon de 1,5 km. Imaginez la gêne que provoquent les énormes haut parleurs des minarets, lorsque retentit un appel pressant à la prière.

L’intolérance envers les Chrétiens et le fanatisme se faisait aussi sentir dans la vie professionnelle. Trouver un travail ou obtenir une promotion surtout dans les services publics est devenu compliqué.
Dans mon pays, la religion est écrite sur les cartes d’identité, et il est obligatoire d’avoir une religion sous peine d’être soupçonné d’être communiste et d’être jeté en prison.
Beaucoup de gens sont devenus « mualaf » ce qui signifie « convertis à l’Islam », afin de trouver un bon travail ou de pouvoir se marier avec un musulman ou une musulmane.

Je suis très heureuse que, dans notre grand famille, malgré la différence de religion avec nos oncles ou cousins musulmans, la tolérance et la solidarité ont toujours été respectées jusqu’à présent.  

III. FANATISME ET RADICALISME EN INDONESIE AUJOURD’HUI.

Actuellement, la société indonésienne est très influencée par le fondamentalisme des pays arabes, notamment l’Arabie Saoudite : les gens y pratiquent la culture, la langue et la charria, notamment dans la région d’Aceh qui est surnommée « la devanture de la Mecque ». A l’école publique, le voile et le niqab sont devenus obligatoires.
Aux yeux des musulmans radicaux, seul le point de vue de l’Islam et du Coran est acceptable, toutes les autres croyances ou religions sont rejetées et violemment combattues. Ce mouvement est devenu très puissant.
Il y a aussi de plus en plus d’écoles coraniques où l’intolérance est ouvertement enseignée.

Ils contrôlent les restaurants pour voir si des gens mangent publiquement dans la journée pendant le ramadan. Ceux-ci risquent la prison ou la torture.
De même à Noël, ils contrôlent les décorations de Noël dans les magasins.
Ils font annuler des cultes ou des messes de Noël. 
L’Armée est contrainte de contrôler les églises avec des détecteurs de bombe avant les cultes. 

Il est très rare que des églises aient été endommagées ou fermées dans la capitale Jakarta car elle sont très surveillées par le gouvernement.
Mais en province, la situation est dramatique. Beaucoup d’églises ont été brûlées ou détruites, des églises ont été fermées, d’autres ont été interdites de construction.
Quand les Chrétiens prient sous les tentes, des hommes viennent à proximité avec des hauts parleurs pour proclamer le Coran.

Les musulmans radicaux ont aujourd’hui des partis politiques très puissants.
A Jakarta, un gouverneur Chrétien et chinois était très croyant, clair, honnête, et contre la corruption. Après l’échec de son 2ème mandat en mai 2017, il a été mis en prison pour… blasphème contre le coran.

Mais le gouvernement actuel fait des efforts pour améliorer la situation. Il a déjà dissous l’une des plus grandes organisations islamiques radicales qui pratiquait le terrorisme.
Le gouvernement veut permettre la pratique de tous les cultes comme cela est écrit dans la Constitution. Il s’appuie sur l’aide des organisations musulmanes modérées.
En ce moment, le parlement est en train de composer une loi qui autorise l’activité de l’école du dimanche et du Catéchisme dans le cadre de l’Education Nationale.

Malgré cela, il faut faire très attention de ne pas critiquer la religion musulmane et être très prudent dans ses paroles car on peut se retrouver en prison pour blasphème.
Les « murtad » (musulmans convertis) risquent aussi de perdre leurs travail et d’être rejetés par leur famille.   

Malgré les intimidations, les Chrétiens n’ont pas peur.
La communauté est très soudée et l’entraide importante; ils montrent la paix et l’amour du Christ pour tous.
Le pouvoir de notre Seigneur est tellement puissant. Beaucoup de musulmans se convertissent.
De nombreux fidèles témoignent de la Grâce de Dieu dans leur vie et je constate un renouveau spirituel dans l’Eglise.
Notre devise est : « dibabat tapi merambat », ce qui signifie : plus on défriche l’espoir plus on replante.

Nous prions constamment pour la restauration de l’Indonésie.

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